vendredi 25 octobre 2013

"Prenez garde à vos actes car le mal contre lui-même se retourne."



Au lieu-dit Noir-Etang … de Thomas H. Cook

Un vrai coup de cœur pour ce roman policier qui débute par une citation de Milton (reprise dans le titre de cet article) ; citation qui illustre à merveille l’engrenage tragique dans lequel les personnages vont se retrouver piégés.

Résumé

« Sur mes vieux jours et en semi retraite, j’ai finalement atteint une époque de ma vie où jamais je n’aurais cru repenser à elle. Jusque là, les années avaient passé sans que  rien ou presque ne la fasse rejaillir dans ma mémoire. » 
Elle, c’est Elisabeth Channing, jeune femme libre et indépendante qui débarque à Chatham, petite ville de Nouvelle-Angleterre en 1926 pour y enseigner les Arts plastiques dans l’école tenue par le père du narrateur, Henry. Dès qu’il la voit, Henry est fasciné par cette belle femme au caractère indépendant qui dépareille tellement au milieu des autres enseignants de la petite école. Mlle Channing vit seule dans un cottage au milieu des bois, marche pieds nus dans l’herbe et porte en elle un parfum d’exotisme rapporté de ses lointains voyages. Petit à petit Henry constate que son professeur se rapproche de M. Reed, un autre enseignant, marié et père de famille.
Jusqu’où peut-on aller par amour ? Que peut-on faire par soif de liberté ou par désespoir ? Comment un élève fasciné par une figure professorale peut-il engendrer un drame ? Ce sont les questions lancinantes qui nous portent tout au long de l’intrigue jusqu’au dénouement tragique qui se noue au lieu dit Noir-Etang. 

Ce que j'en ai pensé...

C’est bien simple j’ai dévoré ce roman à mi-chemin entre roman policier et roman noir anglais. On retrouve une ambiance digne des sœurs Brontë : un phare isolé, des falaises battues par les vents, des forêts brumeuses et humides, un étang lugubre... La narration est habilement menée : le narrateur, aujourd’hui âgé, revient sur un épisode tragique de son enfance pour essayer de se pardonner et tacher de comprendre ce qui s’est passé, comment les choses ont pu déraper ainsi. Henry capte notre attention à l’aide de nombreuses anticipations : « il ne pouvait imaginer à quel point la suite des évènements le contredirait, ni à quel point j’en aurais éminemment conscience ».
Dès le début le lecteur comprend que Mlle Channing est au cœur du drame. Mais est-elle victime de l’étroitesse d’esprit de cette petite ville ou bourreau ? Voilà ce qui reste à déterminer. On ne lâche pas le roman avant de savoir le fin mot de cette histoire d’amour terrible. L’issue glaçante ne peut laisser le lecteur indifférent et on continue à s’interroger sur cette idée du Mal qui introduit l’intrigue : Mlle Channing a-t-elle véritablement mal agi ? Méritait-elle son sort ?

Jo
 

mercredi 23 octobre 2013

Dans l'ombre d'un poète mourant...

Les Jours fragiles de Philippe Besson

Résumé

Les Jours fragiles sont les derniers jours dans la vie d'Arthur Rimbaud vus par sa sœur, Isabelle. Nous sommes en 1891 et Arthur revient très malade dans la maison de son enfance. Sa sœur qui l'a à peine connu va raconter dans son journal intime la souffrance de son frère, la froideur de leur mère, sa propre douleur, leur ferme à Charleville dans laquelle Arthur se sentait étouffer par son désir de liberté... Elle va raconter Arthur tel qu'il était vraiment :
" Que restera-t-il de lui ? Ce dessin que je viens d'exécuter, qui le représente sur son lit d'agonie, avec son crâne rasé, ses yeux cerclés de noir, son tourment malgré une sorte de résignation douloureuse ? Ou la photo de ce jeune homme de dix-sept ans, magnifique, insolent, fulgurant, disponible pour toutes les victoires ?"
Le lecteur accompagne au fil des pages cette jeune femme au chevet de ce poète maudit qui voit sa vie se terminer comme son pire cauchemar. 

Ce que j'en ai pensé...

Je ne peux pas dire que j'ai aimé ce livre... La lecture a été longue alors que c'est un livre court. J'arrêtais souvent la lecture par lassitude et j'y revenais frustrée surtout par le fait de laisser encore une fois un livre abandonné en cours de route... Le choix du journal intime et celui de raconter les derniers jours de ce grand poète à travers le ressenti de sa sœur ne m'a pas accrochée. J'ai trouvé l'écriture inégale : parfois poétique, magnifique et d'une grande sensibilité, d'autres fois laborieuse et soporifique. Au fil de la lecture, cette sœur éteinte, passive et aux petits soins pour son surdoué de frère m'a agacée au plus haut point ! A vrai dire, aucun des personnages n'a trouvé grâce à mes yeux... Je ne conseille donc pas ce livre notamment aux amateurs d'Arthur Rimbaud puisque les œuvres poétiques et sa vie d'artiste ne sont mentionnées que de façon lapidaire. 

Oph

En bonus, un de mes poèmes préférés d'Arthur Rimbaud :

Sensation,
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme.

 
 

lundi 21 octobre 2013

Les histoires d'amour finissent mal... en général !

Le désamour d'Antonia Kerr

Résumé
 
Dans ce livre, Glenn, le narrateur, est très malheureux : il a une grande différence d’âge avec sa bien- aimée, Laura, et il est persuadé qu’elle va l’abandonner. Il souffre le martyr. L’œuvre évoque la souffrance et les nombreux tourments de Glenn qui ne supporte pas le trop-plein d’amour : « J’ai essayé de te désaimer, parce que notre couple est voué à l’échec, mais il n’y a rien à faire, je n’y  suis pas arrivée.  Désolée, mais je t’aime terriblement. »  L’un comme l’autre vont tenter divers stratagèmes afin de sauver leur couple…même les plus sordides.
 
Ce que j'en ai pensé...
 
Ce livre qui fait partie de la rentrée littéraire de cette année m’a laissé comme un goût amer… Certes, il est très bien écrit. La lecture est plaisante. Cependant, une question n’a cessé de me titiller : comment peut-on se plaindre d’aimer et d’être aimé ? Glenn, un personnage mélodramatique ne cesse de se plaindre et d’imaginer les histoires les plus farfelues sur les pseudo-trahisons de sa femme, qui l’aime tout autant que lui. Il ne peut se satisfaire de son amour, et elle non plus. C’est un roman psychologique, qui explore un cerveau névrosé ,centré sur le moi et qui semble oublier la réalité. Ceci en devient gênant ; car ce couple ne cesse de se morfondre et de se compliquer l’existence alors que tout leur sourit. Ces deux personnages hors normes ont du moins le mérite de montrer au lecteur qu’un couple peut s’aimer… et pas qu’un peu !
 
Ana

Echange demi-folle contre enfant déchue !


L’échange des princesses de Chantal Thomas
 Les destinées tragiques de deux princesses entre royaume de France et royaume d’Espagne : voilà le sujet du nouveau roman historique de Chantal Thomas (rien à voir, pour celles et ceux qui l’ignoreraient, avec la créatrice de lingerie !)...

 
Résumé
 
Le régent de France, Philippe d’Orléans les a voulus ces deux mariages censés consolider les liens entre la France et l’Espagne, il les aura. Au début du XVIIIème siècle ce sont donc deux princesses qui quittent tout ce qui faisait jusque là leur vie pour rejoindre un pays inconnu. Mlle de Montpensier, douze ans, la propre fille du régent quitte la France pour l’Espagne. Elle croise sur sa route une petite infante de quatre ans, Anne Maria Victoria, fille de Philippe V d’Espagne. On fait alors l’échange. Le temps d’une accolade, les deux jeunes filles se croisent. Dès lors chacune va devoir vivre dans une cour qui lui est inconnue. De si jeunes personnes sont-elles en mesure d’assumer la lourde tâche qui s’impose à elles ?
 
Ce que j'en ai pensé...

Après les adieux à la reine qui mettaient en avant les derniers jours de la reine Marie-Antoinette, ce roman historique pose la question des mariages forcés. On ne peut qu’éprouver de la compassion pour ces deux victimes de la raison d’état.  Le personnage de Mlle de Montpensier est de prime abord assez antipathique : « on ne peut dire que Mlle de Montpensier soit laide, mais c’est bien l’enfant la plus désagréable que l’on puisse voir, dans sa façon de manger, de boire, de parler. Elle vous impatiente bien » dit d’elle la princesse Palatine. Cependant, au fil des pages, on ne peut que s’attrister face aux maux que ce mariage génère chez elle : fièvres, boutons, troubles alimentaires seront son quotidien dès lors que ce mariage sera décidé. En ce qui concerne la petite infante, on s’inquiète d’emblée du sort de cette enfant, livrée au futur Louis XV entourée de ses poupées et de ses marionnettes ; ce futur roi qu’elle va aussitôt aduler mais qui ne s’intéresse guère à la fillette qu’elle est.
Il s’agit donc d’un roman « intéressant » qui retrace le destin de ces deux enfants. S’il est porteur d’une certaine dose de pathos, il n’en demeure pas moins que la lecture se fait rapidement répétitive et donc un peu lassante. On a vite fait de voir que ces deux trajectoires finiront mal pour l’une comme pour l’autre et on s’agace de voir que rien n’y fera. A découvrir donc pour les amateurs d’histoire, pour les autres, cela manquera sans doute de rebondissements et de sentiments !
Jo
 
En bonus, voici une interview de l'auteur par Libération :

http://www.liberation.fr/livres/2013/09/18/dialoguez-avec-la-romanciere-chantal-thomas_932797
 
D'autres blogs qui parlent de ce roman :